Sorties DVD :
Braquo saison 3 d’Abdel Raouf Dafri
Dès que le scénariste d’Un Prophète (yeah !) et de Gibraltar (MEH) arrête de se prendre pour Michel Audiard en collant des phrases toutes faites dans les bouches de ses personnages, cette tentative de polar hardboiled made in France commence enfin à ressembler à quelque chose. Au sortir d’une saison 2 en forme de catastrophe épique, Abdel Raouf Dafri s’écoute un peu moins écrire et réussit haut la main toute l’intrigue consacrée à la mafia Vory V Zakone – en particulier le personnage de Levani Jordana, magnifique spécimen de salopard ambigu. Le scénariste a bossé son sujet, et l’a efficacement intégré à un univers qui commençait furieusement à tourner en rond jusqu’à s’enfoncer dans le sol. Braquo saison 3 en est une nouvelle preuve éclatante : Dafri n’est jamais aussi bon que quand il s’approprie le réel pour lui donner les atours de la fiction.
9 mois ferme d’Albert Dupontel
Enfin, la conjoncture astrale réunit public, critique, et même l’académisme des Césars pour honorer le talent hors normes d’Albert Dupontel, sale gosse d’un cinéma français qui, avec sa lâcheté coutumière, se sent obligé de l’adouber à la seule grâce de ses 2 millions d’entrées. L’auteur endosse à nouveau la défroque d’un laissé pour compte déviant et plein de bonnes intentions, mais c’est pour mieux laisser la part belle au personnage féminin. La filmographie de Dupontel est truffée de femmes fortes, indépendantes, amazones, autant de guides essentiels qui révèlent l’antihéros (toujours interprété par Albert) à luimême. 9 mois ferme inverse ce processus, et dédouane de fait le metteur en scène de sa folie esthétique ostentatoire. Passé une habituelle séquence d’intro où la caméra voltige pour enfoncer son protagoniste principal dans le chaos, la réalisation se fait plus discrète, les coups d’éclat moins forcés. 9 mois ferme est un objet furieusement drôle, à l’insolence diffuse. Albert Dupontel gagne à s’abandonner aux femmes.
Prince of Texas de David Gordon Green
Réalisateur de comédies trash (Délire Express, Votre Majesté, Babysitter malgré lui) pour le compte des ados de la bande à Judd Apatow, mais aussi d’un superbe remake officieux de La Nuit du Chasseur (L’Autre Rive), David Gordon Green délaisse momentanément le faste hollywoodien pour s’en aller magnifier en plein Texas rural la complémentarité entre deux acteurs au sommet de leur art, Paul Rudd et Emile Hirsch. Prince of Texas ne raconte pas grandchose, juste une amitié naissante entre deux fêlés en cavale de la vie urbaine, mais il le fait divinement bien, avec l’aide précieuse de sa bande originale planante signée Explosions in the Sky.
Les Rencontres d’après Minuit de Yann Gonzales
Entre sublime et ridicule, en tout cas avec une audace des plus louables, ce premier longmétrage explore le large spectre du baroque tant dans son écriture que dans sa mise en forme. Quelques idées géniales (le jukebox émotionnel) côtoient des égarements dialogués malvenus, l’humour et la gravité y cohabitent à la diable ; en définitive, le récit donne la fâcheuse impression de ne jamais savoir où il va. Le réalisateur pose une ambiance envoûtante et ne sait pas quoi en faire, et, logiquement, Les Rencontres d’après Minuit s’excite beaucoup mais bande désespérément mou.
Tip Top de Serge Bozon
Dans un portrait croisé des Inrocks du réalisateur et de sa scénariste Axelle Ropert, mémorable de complaisance et de satisfaction de l’entresoi, il était révélé que Serge Bozon n’aime pas imaginer ou raconter, qu’il laissait « ça » à sa comparse – un aveu d’impuissance terrible, mais apparemment pas si grave pour une presse certaine. Tip Top est la tétanisante démonstration qu’a priori, Bozon n’aime pas non plus mettre en scène. D’une laideur repoussoir, cadré et monté à la truelle, le film dévide son intrigue en forçant le décalage pour bien nous montrer qu’il est audessus de tout ça. Tip Top, c’est un cinéma par et pour ceux qui s’estiment trop intelligents pour ce que le peuple nomme cinéma, de la comédie par et pour ceux qui n’ont aucun respect pour l’humour.