Inside Llewyn Davis des frères Coen
On n’est pas obligé d’être fan de musique folk ou de la filmographie magnifiquement cabossée des vénérables frangins pour apprécier leur dernière livraison mais, on ne va pas se mentir, ça aide. Car ce parcours antiinitiatique d’un musicien prenant systématiquement les mauvaises décisions évolue à son propre rythme claudiquant, et dévoile son projet de métaphore de la geste americana en saupoudrant les indices piégés avec parcimonie. La narration fonctionne ainsi en miroirs déformants, répétant les scènes sous des angles inattendus. A l’image des somptueuses reprises performées par le personnage principal, l’âme folk y apparaît mise à nu, dépouillée, et toute entière justifiée par le travail d’appropriation d’artistes capables de transformer le fragile dénuement de la formule guitare / voix en force intime.
Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier
Par défaut, l’une des meilleures comédies françaises de 2013. Il faut insister : par défaut. Entre des erreurs de casting franchement gênantes (Thierry Frémont aurait bon ton de s’inspirer de Matthew McConaughey et de disparaître des plateaux pendant un an, histoire de se retrouver) et des running gags laborieux, la caméra de Tavernier peine en effet à donner vie aux planches de la bande dessinée originelle. Mais il est tellement rare que le cinéma français aborde de front l’actualité nationale récente que l’effort mérite à lui seul d’être souligné.
Cartel de Ridley Scott
Michael Fassbender, non content d’être l’homme le plus beau du monde, s’impose en outre comme le meilleur acteur, du monde également. C’est un fait indéniable, et si vous n’êtes pas d’accord, je serais obligé de vous provoquer en duel. Preuve en est encore faite dans cette mise en image évanescente et inutilement alambiquée d’un script de Cormac McCarthy (No Country for Old Men, La Route), où Javier Bardem défie Nicolas Cage sur ses deux terrains de prédilection : l’anarchie capillaire et le jeu outré. La noirceur de cette descente aux enfers beaucoup trop prévisible ne s’exprime qu’à travers la performance subtile et hypnotique d’un Fassbender magnétique, unique vecteur d’émotions de ce jeu de massacre au fatalisme outré.
Malavita de Luc Besson
Adaptation absurde d’un roman de gare passable de Tonino Benaquista, ce film ne contient nulle trace d’une quelconque urgence qui aurait poussé Luc Besson à sortir de sa retraite pourtant annoncée au sortir de la trilogie Arthur et les Minimoys. L’histoire ne tient pas debout, il ne manque plus que des bérets et des baguettes sous le bras pour que la caractérisation de la France profonde soit plus cliché, et le réalisateur se contente d’aligner quelques autocitations pantouflardes en guise de partis pris de mise en scène. En son temps, Besson fit vibrer les foules de son style certes pompier mais tout du moins un minimum personnel ; aujourd’hui, il ne lui reste même plus l’ombre d’une personnalité artistique.
Evasion de Mikael Hafstrom
Stallone en croisement de Harry Houdini et de Sherlock Holmes : l’idée est aussi étrange que son traitement visuel est raté, en particulier quand papy Sylvester expose ses plans d’évasions machiavéliques avec sa coutumière mâchoire serrée d’action star sexagénaire constipée. Son binôme avec un Schwarzenegger très force tranquille dans l’esprit ne dépasse jamais le stade de la connivence roublarde post Expendables : tout dans les intentions, rien dans l’exécution.
Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Galienne
Bien avant le holdup des Césars, il était tout à fait loisible de ne trouver strictement aucun intérêt à ce film qui ne traite aucun des sujets qu’il aborde, si ce n’est pour en offrir une caricature parfois gênante (les scènes odieuses avec Reda Kateb, en particulier), ou encore de se gratter la tête avec perplexité face à l’egotrip petit bourgeois d’un auteur qui se trouve sans avoir vraiment pris la peine de se chercher. Pendant les Césars, il était extrêmement ardu de ne pas siffler, tel un supporter en furie, l’aveuglement (la mauvaise foi ?) de l’ensemble d’une Académie pressée d’adouber Galienne en son sein, au détriment d’artistes infiniment plus convaincants. Au lendemain de la remise de prix, il était conseillé de penser à autre chose pour arrêter de s’énerver.